mardi 6 août 2013

toujours suite

C'est sûr, elle avait obtenu ce qu'elle voulait : un i sans point, donc pas de poing sur le punching-ball, mais quand même ça faisait bizarre avec ses propres yeux de ne pas se voir.;le lendemain,elle remarqua bien qu'il fallait qu'elle s'adapte à la nouvelle situation : gant de toilette, brosse à dents, peigne étaient désormais en vacances (pour toujours?) : elle pouvait ainsi paresser 10 minutes de plus dans son lit, défait de ses oreillers (pas d'oreilles + le reste).Naturellement, à l'école, elle croisait sur son chemin des corps pétrifiés, des bouches ouvertes et des yeux ronds, puis tout se remit en route : il fallait bien vivre. Mais quand même, deux jours plus tard, alors que dans la cour de récréation, elle refusait de partager ses osselets argentés avec Myriam ( qui lui avait fait le sale coup d'avoir jeté un rouleau de papier de toilette au travers de son visage, oui,enfin,de son trou,en s'écriant toute en moquerie méchante « Hou,hou le vilain fantôme!! » ),Myriam lui avait répliqué : » De toute façon, tu pues! »; c'est vrai que la petite fille avait aussi remarqué qu'au fil de la journée, la croûte s'était garnie de quelques minuscules flocons de neige : « de la moisissure ! » diagnostiqua sèchement l'infirmière de l'école.Réfléchir.Elle se rappela que dans un film américain,l'acteur aux yeux moites sur tout l'écran (l'oeil devait bien faire un mètre de longueur ) avait déclaré sous les violons à sa fiancée (un truc comme ça) « Virginie, tu sens si bon la rose! »;et bien voilà : elle allait attacher un petit pot de terre (fond du jardin) à chaque coin de son visage (vous comprenez, n'est-ce pas?) et laisser s'enrouler autour de la croûte des rosiers grimpants (allez-y, engloutissez à la Barbie ce cordon de puanteur !)!: c'est sûr, le futur allait lui réserver des flaques de yeux moites.C'est ce qu'elle croyait.C'est vrai que désormais, les gens ne se pinçaient plus le nez à son approche (mais d'un autre côté, la vue du dilatement des narines rondes et ouvertes de ses interlocuteurs désirant emmagasiner le plus de son parfum, provoquait chez la petite fille une vision : devant elle des têtes de sanglier sur des corps d'hommes;elle ne pouvait pas encore s'y habituer : un frisson dans sa poitrine (en fait, partout); sans compter qu'elle devait assez souvent nettoyer la bave, coulée sur la pointe de ses chaussures) , mais cela ne dura que très peu de temps qu'elle vit clairement que les gens abusaient de la situation;entre Nathalie ( qui ne lui avait adressé la parole qu'une fois depuis la rentrée scolaire : »si tu n'aimes pas la gaufrette au chocolat à la cantine, donne-la-moi ! ») qui lui consigna d'office un plan d'entraînement, après l'école, pour faire sauter Chouchou , son hamster, à travers le béant visage ( bon, il n'y avait pas le feu comme dans le cirque,mais quand même,des épines de rose, c'était aussi saignant comme spectacle), la Patrouille de France qui lui priait ( Maman était très fière de la lettre avec plein de blasons sérieux) ,à l'occasion du prochain 14 juillet, de bien vouloir faire passer ses avions (avec de la fumée colorée derrière) à travers son visage,un Chinois de Hong-Kong (très très loin), qu'elle ne connaissait pas, lui proposa « l'aubaine de sa vie » (elle ne comprit que « l'eau baigne dans sa vie « : baratineur !) avait soumis à papa et maman une offre avec plein d'argent au bout : »faire sécher des poissons,attachés au haut de son visage avec un brevet (pas de natation) « garanti séché Petite-Fille-Pleine-De-Trous ; «un poisson plus cher que du homard ! «  avait calculé Maman, fière de sa petite fille. Trop, c'est trop : pas de poing, mais une multitude de marchandages ; c'était évident : son plan « pas de surface, pas de douleur « avait failli.Alors, pour commencer ( et puis ,elle ne savait pas quoi faire),elle croisa ses bras, fronça ses sourcils (dans sa mémoire),s'assit par terre dans sa chambre et se mit à bouder.

5 commentaires:

  1. Hé bien, quelle histoire. Elle est douée pour s'attirer les ennuis, en bonne héroïne de conte. :-))

    C'est bien ce que je pensais au départ : elle aurait dû manger son gruyère, au lieu de l'écouter. Et prendre en plus une portion de roquefort. Les problèmes de mauvaise odeur et de trous mal placés auraient alors concerné les autres, et pas elle. :-))

    Mais j'ai de l'espoir : la bouderie est toujours bon signe.

    Laure, tu es en train d'écrire le feuilleton de l'été, merci! :-)

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  2. Quand même, je pantèle en te lisant. Il y a un fond de sadisme glauque dans ton histoire. Brr... Olivier, qui te lit aussi, a dû nous faire un lassi à la banane pour nous réconforter (excellent prétexte pour sauver une banane agonisante, évidemment).

    Tu es incroyablement douée. :-)

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  3. Sadisme ?! ah,bon ? (héhé... je ressaute dans le buisson avec ardeur...)

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  4. C'est un compliment : tu t'acharnes sur la pauvre petite avec une jouissance évidente, digne des cruautés de la Comtesse de Ségur ou des frères Grimm envers leurs héroïnes enfantines. Le sadisme est un élément incontournable de nombreux contes réussis.

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  5. mince ! je polissais l'image d'une nature vierge et délicate :(
    S'il-vous-plaît, ne faites pas part de mes dévergondages à mes enfants : ils me croient sage comme une image ( et pure comme de l'eau distillée).

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