mardi 6 août 2013

Au bout d'une plage de temps entremêlée de demi-sommeils (où était Ours Martin ? Encore au fond du trou noir ? Vivant? ), la Petite Fille se rassurait sur son existence en regardant ses mains s'agiter, seuls points de couleur dans cet espace blanc laiteux; à l'issue de son escalade si difficile sur les monticules de pétales, elle dut se rendre à l'évidence : la libération du trou noir lui avait coûté les jambes;auquel s'ajoutait la perte de son torse dont elle se résolut à se débarrasser : lacéré par les épines des fleurs sur le chemin ardu de l'ascension,les giclures de sang -qui lui donnait l'allure d'un gros chrysanthème rouge en mouvance dans un amas de vieux chiffons roses-, rendaient les appuis encore plus vacillants lors de la montée vers la lumière.Pas de tête, pas de jambes, pas de torse, pas de visage :demain, elle avait une bonne excuse pour ne pas faire la dictée.Puis, elle se recroquevilla (dans sa mémoire) et se mit à sangloter, d'abord tout doucement pour ne pas s'attirer de nouveaux ennuis, puis de plus en plus fort : c'était presque tout ce qui lui restait : entendre le son de son immense tristesse.Par peur de mourir finalement bêtement noyée par ses propres larmes qui s'aggloméraient dangereusement autour d'elle , elle renifla un bon coup pour se donner du courage et fixant cette étendue polaire, engagea dans sa tête absente une armée de morses qui de leurs sabres d'ivoire, tracèrent docilement dans le blanc sur quelques kilomètres (pour ne pas s'affoler davantage,elle faisait semblant de croire encore aux distances) sa devise-amie : « Après la pluie,le beau temps »,titre d'un roman de la Comtesse de Ségur qu'elle avait reçu l'année dernière comme « Prix d'encouragement ».

3 commentaires:

  1. Enfin, le début des vraies horreurs. Si la Comtesse sanglante et pontifiante intervient, aïe! J'ai déjà mal au porte-monnaie.

    Est-ce que tu as vu Les bêtes du Sud sauvage? J'y pense à cause des morses (dans le film, ce sont des aurochs, qui ressemblent un peu aux sangliers fous de Miyazaki et véhiculent au grand galop la catastrophe dans l'esprit d'une fillette en détresse -il y a un très beau passage en particulier... Bref, si tu ne l'as pas vu, pas la peine de te le raconter). Je ne sais pas si tu aimerais.

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  2. Je ne connais pas "Les bêtes du Sud sauvage", mais je viens d'en lire le résumé : encore un film qui alourdit ma liste des envies :( (jamais le diable pourra m'avaler :)

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  3. Pourquoi veux-tu nourrir le diable? :-))

    Si tu regardes le film, un jour, à l'occasion, ton avis m'intéressera. C'est un premier essai d'un jeune réalisateur, irrégulier : sa transcription de l'univers d'une enfant en milieu hyper défavorisé (en fait, un enfer presque invivable où elle s'acharne à survivre, notamment par la violence et par le rêve) est intéressante et poétique, avec quelques facilités et des passages très touchants. Bref, c'est différent de ta fillette-gruyère, et en même temps proche par quelques points.

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