jeudi 8 août 2013

Par peur de mourir finalement bêtement noyée par ses propres larmes qui s'agloméraient dangereusement autour d'elle , elle renifla un bon coup pour se donner du courage et fixant cette étendue polaire, engagea dans sa tête absente une armée de morses qui de leurs sabres d'ivoire, tracèrent dans le blanc sur quelques kilomètres (pour ne pas s'affoler davantage,elle faisait semblant de croire encore aux distances) des rails en écriture cursive : « Après la pluie,le beau temps »,titre d'un roman de la Comtesse de Ségur qu'elle avait reçu l'année dernière comme « Prix d'encouragement ».ah, des rails, la belle affaire ! pas de train, pas de gare. ( dans sa situation de pingouin sans pôle, même les gares-à-tes-fesses! de sa maman auraient fait l'affaire ) . »Dans le pétrin sans train ! » résuma-t-elle avec un sourire gelé exhalant (pour personne) une fine odeur de vinaigre qu'elle tentait de ses doigts engourdis par sa morgue d'arrimer au milieu de sa croûte, maigre rectangle, témoin de son existence;les boyaux des morses lui rendaient de bons services à cet usage : solides, élastiques et chauds ; la contemplation des taches rouges sur le sol (à moins que ce ne fut le plafond?) lui ouvrit l'appétit : elle y voyait des fraises trop mûres enfoncées dans un grand plat (comme ceux de la cantine) de crème battue; elle avait faim ! Elle devait improviser, au moins répéter les gestes « comme avant » : elle s'approcha d'un morse déboyauté et se servit à nouveau de son seul outil : elle choisit une grosse larme qui tournoyait encore autour de sa croûte et l'enferma dans son poing, lui arracha le « r » et put ainsi trancher de gros morseaux de viande qu'elle balança au travers de son trapèze.C'était délicieux cette impression de s'alourdir; s'il y avait un bas,forcément il y avait un haut ! : ce serait déjà un bon début pour reprendre connaissance. Un frisson de contentement fit trembler les boyaux violets de son large sourire.Elle se livra alors sans résistance à un somme profond.Un merveilleux besoin la réveilla : elle avait envie de faire caca ! Vivante, vivante ! Pudique, elle se dirigea quelque part (ailleurs) , et par habitude poussa (sur rien) : des crottes se formaient sous sa croûte : ...---...

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